Le Provençal : Stéphane Chaudesaigues et le tattoo, 1989
Le 28/01/2015 | Mis à jour le 08/10/2015 Salons : Avignon, Chaudes-AiguesTatoueur : Stéphane Chaudesaigues
L' oeuvre de chair
Oubliés les symboles éculés griffonnés sur la peau, Stéphane réinvente le tatouage pour la beauté
Au fil de l' aiguille, la couleur entre dans votre peau. Point par point, le dessin prend forme et relief.
Un barbare bondit de votre bras. Du haut de la falaise d'une épaule, un centurion romain scrute la nuit, tel César dominant Rome déjà conquise. Une fesse se transforme en une magnifique fresque intime, une bataille épique se déroule sur toute l' étendue de l' immense plaine d' un dos.
Stéphane tatoue à Avignon depuis deux ans. Mais son travail ne ressemble en rien aux vieux tatouages
de marins ou de forçats, dont l' encre était d' un bleu si sale.
" Je suis un peintre. J' ai choisi la peau par ce que je m' ennuie sur le papier ou sur la toile. Je veux faire sortir le tatouage de son ghetto, Le tatouage n' est pas seulement punk ou skin. Je l' aborde en tant que peinture sur épiderme. Tu peux tout faire, même du Miche lange. Il suffit d' avoir le modèle et du temps."
L' homme illustré.
Entrer dans Art tattoo, place Pignotte, ce n' est pas mettre les pieds dans un coupe-gorge sordide, mais pénétrer dans l'atelier d' un artiste. Les modèles classique côtoient les posters les plus fous des grands maîtres américains. Ils décorent les murs de leurs guerriers monstrueux, de leurs épopées fantastiques, de leurs princesses de rêves.. ou de cauchemars.
"Avec Frazetta, explique Stéphane, je pourrai déjà tatouer pendant trois ans, sans chercher d' autres idées.
Je reprends aussi un peu de Boris ValIejo".
A chacun le sien.
Une seule chose fait horreur à Stéphane: le stéréotype.
" Je n' aime pas le tatouage étiquette qui ne veut plus rien dire un ou deux ans après et que l' on retrouve sur des centaines de bras. J' ai mis des motifs naïfs classiques en vitrine pour attirer le client qui souvent a peur. Comme ça, ils entrent. Alors, nous discutons et je peux les orienter vers des tatouages plus personnels,plus originaux . Le tatouage ne joue plus vraiment le rôle de symbole ou de langage secret,qui a été le sien pendant des siècles. Dans le choix du motif, il reste toujours une part importante qui se rapporte au côté caché de la personnalité, mais ça c' est de la psychanalyse..."
Stéphane sourit: "En fait ce qui m' attire c' est l' amour de l' art, du décor intradermique. Le tatouage est vivant. Il s' élabore à deux, à trois même puisqu' il s' agit de se servir de la peau et de la morphologie de chacun pour créer un ensemble esthétique. Par exemple j' ai un client qui a une malformation dans la poitrine, comme un trou.
Eh bien nous allons peindre un géant qui en sort en écartant les pectoraux comme s'ils étaient deux montagnes. Rien n' est impossible: tout ce qui est forme, couleur ou lumière se tatoue."
Tatouer son banquier.
Le talent de Stéphane arrive à bout dé tous les tabous, de toutes les angoisses.
"En France, le tatouage garde une mauvaise réputation alors qu'en Angleterre, par exemple, chaque personne en a deux ou trois. Mais j' arrive presque toujours à convaincre les indécis. Tenez, la semaine dernière j' ai tatoué mon banquier. Maintenant j' ai aussi beaucoup de commerçants qui viennent pour une manchette, c'est-à-dire un gros travail qui prend toute l' épaule et le bras jusqu'au coude. Mais il laisse l' avant-bras net. Ainsi le tatouage ne se voit que lorsqu' on veut bien le montrer".
Le rêve de tout artiste est d' exposer. Stéphane n' est pas un songe creux. II préfère prendre les choses en main.
"Dans moins de six mois maintenant, je vais exposer dix de mes travaux. Ils seront dix tableaux vivants".
Si vous demandez à Stéphane pourquoi il tatoue, il a cette réponse évidente, mais délicieuse : "Le tatouage je l' ai dans la peau."
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