Article Tatouage Mag N°84 : Pierre-Gilles Romieu
Le 23/06/2015 | Mis à jour le 08/10/2015 Salons : Avignon, Tatoueur :
L'artiste découvre aussi une nouvelle famille, notamment à l'occasion de voyages à l'étranger en tant que guest. « En allant à Montréal ou à Philadelphie, je me suis rendu compte que nous, les tatoueurs, sommes tous pareils. Dans la manière de vivre, de penser... On se comprend toujours, malgré les barrières de langage ! » Et pour faire partie du clan tattoo, pas nécessairement besoin d'avoir commencé à piquer ses copains dès l'école primaire. « Chacun arrive au tatouage à sa manière, il n'y a pas de route tracée. Je n'avais pas de passion dévorante pour le tatouage, c'était plus un changement de support pour moi, mais elle est venue après. Et puis, le vécu d'une personne, tout ce qu'elle a pu faire avant, apporte des choses au tatouage ».
En 2006, il intègre donc le Graphicaderme d'Orange à plein temps. Epaulé par son mentor David Coste, l'apprenti se perfectionne dans la vallée du Rhône, deux ans durant, tout en gardant cette patte qui lui est propre. « Mon style de dessin n'a pas beaucoup évolué, j'essaie d'y rester fidèle. Mais dès qu'on est en contact avec les autres tatoueurs, on évolue quand même forcément. Depuis trois ans, je travaille au Graphicaderme d'Avignon avec Steven et Gilbert, des super tatoueurs, et je baigne dans la culture tattoo. J'ai aussi eu la chance d'aller aux conventions de Paris, Belfort, Lyon, Toulouse, etc. C'est là qu'on découvre qui fait quoi, quels sont les styles... C'est comme dans d'autres domaines : il y a les gens qui créent un style, d'autres qui en poussent un à fond... »
Son style à lui a autant été façonné par les mangas (il est notamment fan de Katsuhiro Ōtomo, l'auteur d'Akira) que par les peintres classiques ou les jeux vidéo comme Super Mario, mais aussi les illustrations médicales de son père, médecin. « Toutes ces influences se mélangent pour être ré-utilisées ensuite, pour donner quelque chose en corrélation avec moi, explique le tatoueur. En ce moment, mon credo, c'est la ''déconstruction'', avec de la bizarrerie, de l'étrange, des personnages décousus, en kit, qui tombent en morceaux... Une de mes marottes, c'est la vie en kit ! Ce n'est pas malsain, mais plutôt mélancolique ». Et pas forcément sombre : Pierre-Gilles dit préférer la couleur, qui fait « ressentir plus de choses », au noir et gris, qu'il affectionne tout de même aussi.
Avec son univers graphique éloigné de l'imagerie traditionnelle du tatouage, l'artiste détonne. « Bien sûr, je préfère faire du custom (des pièces créées sur mesure pour les clients, ndlr), mais ce n'est malheureusement pas possible de ne faire que ça. Pour élaborer un projet, je demande à la personne quels thèmes, quelles ambiances l'intéressent, puis on fait le tour de mon book, afin qu'elle me dise ce qu'elle aime ou pas. Ensuite, je ''filtre'' les idées. Evidemment, c'est impossible d'avoir le rendu exact de ce qu'elle avait en tête. Mais on s'en approche de très près ! »
Si Pierre-Gilles a son style bien à lui, il n'en apprécie pas moins des artistes aux genres très différents, comme, entre autres, Jesse Smith, expert de la couleur, ou les génies du portrait Robert Hernandez et Joshua Carlton. Mais aussi des artistes aux styles plus particuliers, « qui poussent leur délire à fond », comme Kelly Doty ou Navette. « Ces artistes-là foutent des claques en permanence. Rien qu'en les regardant cinq minutes, on apprend beaucoup ».
Et Pierre-Gilles, pas mécontent de sa reconversion, de conclure : « On fait un des plus beaux métiers du monde. On rencontre des tas de gens intéressants, on apprend tous les jours, et on a – ce qui est très rare – de la reconnaissance. J'ai vraiment de la chance de faire ce métier et d'avoir pu rencontrer tous les tatoueurs talentueux qui m'ont aidé jusque là. En plus, le tatouage est un domaine qui évolue constamment, les clients évoluent aussi, il y a de plus en plus de bons artistes... Nous sommes encore dans l'âge d'or du tatouage ! »
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